Le mouvement #metoo et l’influence des médias sociaux

Elle aussi. Elle aussi, elle va à l’école. Elle aussi, elle aime la vie. Elle aussi, elle trouve que la Terre tourne trop vite, quelquefois. Vous également, n’est-ce pas ? Et si elle vous annonçais qu’elle aussi a été victime d’agression sexuelle ? C’est une déclaration choquante et inattendue à faire en public, que ce soit face à face ou sur les réseaux sociaux. Alors, détrompez-moi s’il le faut, le mouvement #MeToo fait partie des grands événements médiatiques des derniers temps, aux côtés de Black Lives Matter et de la reconnaissance des droits LGBTQ+.

Si Heaven avait trouvé la clé du paradis sur Terre

Quoique ce mouvement ait pris son envol sur les médias en 2017, il fut créé en 2007 par Tarana Burke, une travailleuse sociale de New York, pour accompagner les victimes d’agressions sexuelles. Cependant, encore plus loin dans le temps, l’élément déclencheur de notre histoire se déroule en 1997, dans un camp de jour en Alabama. Tarana Burke y est alors monitrice, et une enfant de douze ans qu’elle appelle Heaven désire discuter avec elle en privé. L’adolescente lui révèle qu’elle est victime d’agression de la part du copain de sa mère.

Tarana, elle aussi, est une survivante.

Malgré cela, elle n’arrive pas à supporter le poids de la confidence de Heaven et laisse la jeune fille à elle-même au bout de cinq minutes. On n’a jamais revu Heaven au camp de jour après cela et l’on ne sait pas ce qu’elle est devenue. 

Malheureusement, Tarana a été incapable de prononcer ces mots : « Moi aussi. »

Dix ans plus tard, elle fonde la communauté MeToo en guise de soutien aux victimes d’assauts sexuels, principalement auprès des femmes racisées.

L’envol de l’oiseau

Le 15 octobre 2017, l’actrice Alyssa Milano a recommandé à « toutes les femmes qui ont été agressées ou harcelées sexuellement d’écrire Me Too. » Et en l’espace de 24 heures, le réseau social Facebook était bombardé de plus de 12 millions de messages, commentaires, réactions et plus concernant cet appel de solidarité. Effectivement, elle et plusieurs autres femmes, notamment des actrices, ont dénoncé Harvey Weinstein, ex-producteur d’Hollywood, pour ses comportements sexuels déplacés envers ses collaboratrices. Le reste du monde s’est alors approprié ce mot-clic pour s’ouvrir publiquement sur ce sujet encore tabou, autant chez les hommes que chez les femmes.

L’onde de choc au Québec

Il est facile de dire que cette vague de dénonciations n’a pas uniquement ébranlé Hollywood : le Québec n’en a pas été épargné, c’est certain.

Par exemple, prenons le cas de Gilbert Rozon, fondateur du Juste pour rire. Sur les traces du mouvement, une dizaine de femmes ont porté plainte contre lui au SPVM. Cependant, seule celle d’Annick Charette a été retenue aux yeux de la justice. M. Rozon a été acquitté de ses accusations de viol et d’attentat à la pudeur en décembre 2020, mais Mme Charette a annoncé vouloir le poursuivre pour 1,3 million de dollars en juin 2021. Suite à ces événements, Gilbert Rozon a mis fin à sa carrière de producteur.

Le nombre de plaintes portant sur des allégations sexuelles a bondi en flèche quelque temps après : 1879 en 2018 contre 1110 en 2014. Malgré ces moments éprouvants, en décembre 2017 le Québec a rapidement réagi en adoptant la loi 151, « visant à prévenir et à combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements supérieurs. » On se dirige vers le bon chemin.

L’influence des médias sociaux

Comme mentionné plus haut, c’est surtout, voire totalement grâce aux médias sociaux que nous connaissons aujourd’hui cette campagne de dénonciations et que son impact résonne aussi fort dans toutes les sphères de nos vies. Justement, pourquoi est-ce par l’intervention des médias que de tels contenus nous interpellent si puissamment ? Peut-être parce que ces moyens de communication nous ont permis de donner une voix à ceux et celles qui n’en possèdent pas. Mais est-ce réellement une explication crédible ? Le mouvement #MeToo a pris de l’ampleur à la suite de réactions d’actrices reconnues qui exercent déjà une influence sur les réseaux sociaux, alors que Tarana Burke avait débuté ce projet environ 10 ans plus tôt ! Quand on y réfléchit, est-ce que toutes les voix ont besoin d’être entendues ? Est-ce que tous les points de vue doivent être considérés, même lorsqu’on sait pertinemment qu’ils n’ajoutent rien de nouveau à la discussion ?

Les médias sociaux nous mettent-ils dans le même bateau ? Pas tant, non. 

On peut faire allusion à la fois où la chanteuse Madonna a publié une vidéo d’elle dans sa baignoire où flottaient des pétales roses, déclarant qu’un des points positifs du coronavirus agissait comme un « grand égalisateur ». Pendant ce temps, chez nous, le système de la santé et celui de l’éducation étaient à bout de bras au plus fort de la pandémie, affirmer une telle utopie n’est donc pas très humble.

La voix qu’on écoute

Autant pouvons-nous influencer notre entourage que notre entourage peut nous influencer. Pouvez-vous imaginer que, de nos jours, on pourrait accorder plus de confiance et de respect à un individu sur les médias qu’à nos amis les plus proches ? On suit presque aveuglément des personnes sur les réseaux sociaux que nous n’avons jamais rencontrées, alors que le voisin de la porte d’à côté ne demande qu’à connaître notre nom !

Constituant également un sujet d’actualité, les fausses nouvelles circulent plus profusément et sont crues plus docilement qu’auparavant par les médias sociaux offrant des mégaphones à qui veut parler. Cependant, la délimitation entre une vraie et une fausse nouvelle se trouve parfois mince et de temps à autre, tout cela se joue sur un seul facteur : le propriétaire de la bouche qui parle. On y reviendra.

Les publications sur les médias ne sont pas faites objectivement, puisque leur but se veut de rallier des gens à l’idéologie de l’internaute qui diffuse les. Dorénavant, une personne peut aisément éviter de lire ou de visionner un contenu qui ne correspond pas à ses envies ou à sa perspective d’un certain sujet. Swiper à gauche, swiper à droite. Scroller l’écran de haut en bas, de bas en haut. Ce comportement est d’autant plus accentué par les algorithmes de ce type de plateforme : on propose à l’utilisateur uniquement du contenu lié à ses champs d’intérêt, ce qui captive son attention le plus longtemps. En fin de compte, ce dernier filtre des informations qui ont déjà été filtrées au préalable. C’est alors qu’il faut se méfier de la bulle d’opinion, cet état qui nous empêche d’écouter, de tolérer ou d’accepter les différents points de vue devant nous.

Toutefois, il peut également arriver de tomber sur un message qui nous présente les choses d’un autre angle. Par exemple, je pourrais entendre mon influenceuse me conseiller de ne plus manger de viande, alors qu’au départ, je ne me suis pas abonnée à sa chaîne parce que nous partageons les mêmes opinions quant au véganisme et à la consommation de viande. Vais-je me laisser séduire par cette proposition ? Peut-être que non. Il se pourrait que je sois déjà sur la bonne voie, malgré ses recommandations. Mais… peut-être que si. Parce que je suis entièrement d’accord avec elle, ou parce que je me dis que si c’est bien pour elle, c’est bon pour moi… Voyez, ce que nous faisons dépend souvent de ce que nous entendons.

La voix qu’on nous donne

Les réseaux sociaux nous permettent d’exercer de l’influence partout dans le monde, même sur des gens que nous ne connaissons pas et que nous ne connaîtrons peut-être jamais. Le pouvoir que l’on peut appliquer sur des inconnus à l’aide de ces réseaux affecte beaucoup plus franchement leurs quotidiens que l’on pourrait croire. On a un impact sur la vie de son voisin, quoique cet impact puisse être discret et indirect. Au travers de notre utilisation des médias, faisons en sorte de donner de la puissance à ceux et celles qui en bénéficieront au bien de tous. Devenons plus conscients des conséquences qui suivront nos actions… et nos abstentions.

À ce point-ci, nous avons le choix : saisir cette opportunité pour défendre de nobles causes ou profiter de cette influence dans l’anonymat (à première vue) pour dénigrer ceux et celles qui sont tout aussi humains que nous. 

Alors, pensez-vous avoir pris la bonne décision ?

MÉDIAGRAPHIE :

SITES INTERNET :

Radio-Canada. Annick Charette poursuit Gilbert Rozon pour 1,3 millions de dollars, [En ligne], [https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1803875/annick-charette-poursuite-civile-gilbert-rozon-million-dollars] Consulté le 11 octobre 2021

Gazette des femmes. Les origines premières du mouvement #MoiAussi, [En ligne], [https://gazettedesfemmes.ca/18662/les-origines-premieres-du-mouvement-moiaussi/] Consulté le 11 octobre 2021

Université de Montréal, Faculté des Arts et des Sciences. L’influence des médias : il faut séparer le vrai du faux, [En ligne], [https://nouvelles.umontreal.ca/article/2019/05/08/l-influence-des-medias-il-faut-separer-le-vrai-du-faux/] Consulté le 12 octobre 2021

La Presse. L’onde de choc #metoo, [En ligne], [https://www.lapresse.ca/actualites/2020-01-02/l-onde-de-choc-metoo] Consulté le 5 octobre 2021

La Presse. Madonna parle de la pandémie depuis sa baignoire, [En ligne], [https://www.lapresse.ca/arts/celebrites/2020-03-23/madonna-parle-de-la-pandemie-depuis-sa-baignoire] Consulté le 11 octobre 2021

Québec, ministère de l’enseignement supérieur. Projet de loi n° 151, [En ligne], [http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-151-41-1.htm] Consulté le 6 octobre 2021

USA Today Life. Tarana Burke on the power of empathy, the building block of the Me Too movement, [En ligne], [https://www.usatoday.com/in-depth/life/women-of-the-century/2020/08/19/tarana-burke-me-too-movement-19th-amendment-women-of-century/5535976002/] Consulté le 11 octobre 2021

DOCUMENTS AUDIOVISUELS :

« #MeToo et le pouls de la génération du millénaire » [enregistrement audio] (08:05). Récupérée du site Radio Canada OhDio [https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/y-a-pas-deux-matins-pareils/segments/chronique/42763/alison-vicrobeck-me-too-moi-aussi-reaction-generation-du-millenaire] le 6 octobre 2021

The View (2021, 15 septembre). « Original Me Too Founder Tarana Burke Opens Up About Memoir “Unbound” » [enregistrement vidéo] (08:25). Récupéré du site Youtube [https://youtu.be/wcyqYXSpArQ] le 11 octobre

Good Morning America (2021,13 septembre). « Tarana Burke opens up about Me Too movement and more in a new book » [enregistrement vidéo] (04:18). Récupéré du site Youtube [https://youtu.be/zgthIkMrXRU] le 11 octobre

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