Les JO de Pékin : y a-t-il un pépin ?

Certains pays contre la dictature chinoise ont décidé de boycotter de façon diplomatique les Jeux olympiques 2022 qui se dérouleront à Pékin au mois de février. Cette décision a été prise suite au constat de plusieurs négligences des droits de l’Homme, particulièrement envers les Ouïghours.

Les Jeux olympiques constituent LE plus grand rassemblement sportif qui soit dans le monde. Des milliers d’athlètes de pays différents au sommet de leur forme se réunissent pour prouver qu’ils méritent une place sur le podium et ainsi, accumuler des médailles au nom de leur pays. Cependant, un tel événement est souvent propice à des débats d’enjeux politiques et cela peut se sentir par la présence… ou même par l’absence d’un pays aux Jeux.

Le 18 octobre 2021, la cérémonie d’allumage de la flamme olympique en Grèce a été perturbée par des manifestants contre le fait que les 24olympiades se tiennent dans la ville chinoise de Pékin, soutenant que les droits fondamentaux de l’Homme y sont bafoués. Le 6 décembre, les États-Unis ont donc fait ce que certains politiciens trouvent prévisible, mais tout de même risqué : faire appel au boycottage diplomatique des JO qui se tiennent du 4 au 20 février 2022.

Avant de connaître les raisons qui ont poussé les États-Unis et, par la suite, d’autres pays à boycotter diplomatiquement les Jeux de Pékin, il serait pertinent de connaître la différence entre un boycottage diplomatique et un boycottage sportif, dit intégral.

Qu’est-ce qu’un boycottage intégral ou complet des Jeux olympiques ?

Un boycottage intégral des Jeux olympiques (JO) réside dans l’action de n’envoyer aucun athlète représentant son pays aux Jeux. Le pays qui prend une telle décision ne sera représenté d’aucune manière à ce grand rassemblement sportif. C’est une triste conséquence pour les centaines d’athlètes dudit pays qui ne pourront pas défendre leur titre et qui se sont entraînés quatre ans pour rien, finalement. Par exemple, aux JO de Moscou en 1980, les États-Unis n’ont pas envoyé d’athlètes en Russie pour montrer leur mécontentement quant à l’invasion des Soviétiques en Afghanistan. Cependant, il est important de savoir que ce n’est pas une décision à prendre à la légère, car le Comité International Olympique (CIO) peut sanctionner le pays qui agit de la sorte. Vous ne l’avez peut-être pas remarqué l’été dernier, mais la Corée du Nord n’a pas participé aux Jeux de Tokyo. Le refus de participation du pays lui a valu d’être exclu des Jeux olympiques de Pékin par le CIO : c’est donc une double perte pour la Corée du Nord.

La gifle diplomatique

Si l’on veut expliquer en quoi consiste un boycottage diplomatique de façon efficace, il s’agit tout simplement d’une grande gifle diplomatique qu’on fait au pays qui accueille les Jeux. Les athlètes pourront participer aux diverses compétitions en tant que membre de leur pays, mais aucun représentant de l’État ne se rendra dans la ville hôte. Pourquoi comparer ce type de boycottage à une gifle ? Parce que le contraire d’une gifle au visage, c’est une tape dans le dos. Qu’un représentant de l’État se rende sur place démontre que l’État approuve la façon d’agir du pays hôte et que les relations entre ces deux pays sont amicales. La conséquence d’un tel boycottage est presque identique à celle d’un boycottage intégral. Quoique le CIO ne prenne pas position dans ce genre de situation, il n’y a aucun doute que les relations économiques et politiques entre les pays impliqués vont se détériorer si elles ne l’étaient pas déjà. Dans le cas des Jeux de Pékin, la Chine a décrit cette initiative de « fanfaronnade » et a menacé de contre-attaquer fortement les pays faisant un tel choix.

Pourquoi perturber les Jeux de Pékin par un boycottage ?

Les droits de l’Homme ne sont pas respectés en Chine et boycotter ces Jeux montre le désaccord des pays face aux agissements du pays hôte. Les manifestants qui ont interrompu la cérémonie du flambeau olympique et les pays participants au boycottage, tels que les États-Unis, l’Angleterre et l’Australie, voulaient mettre au premier plan, entre autres, deux aspects controversés du pouvoir chinois : l’ethnocide qu’exerce la Chine sur le Tibet et le traitement de la minorité ouïghoure.

Destruction de la culture tibétaine

Le Tibet est une région autonome de la Chine qui, il y a de cela 71 ans, était totalement indépendante. Le Tibet accuse principalement l’État chinois d’avoir écrasé sa culture de façon violente en détruisant des temples, par exemple, lors d’un événement que l’on nomme « La Grande Libération pacifique ». D’un autre point de vue, c’est comme si le Québec était déjà souverain et que la Garde Royale Canadienne, donc le reste du Canada, venait l’envahir avec violence et lui interdisait de parler français… ou de manger de la poutine ! C’est à se demander pourquoi le mot « pacifique » est employé pour décrire cette prise de territoire.

Extermination ouïghoure planifiée

Les Ouïghours sont des musulmans vivant au Xinjiang, dans l’est du pays chinois depuis des siècles. Plusieurs organismes de la défense des droits de l’Homme et politiciens accusent la Chine de génocide sur ce peuple. Selon eux, plus d’un million de musulmans auraient été détenus dans des « camps de rééducation » et le seraient encore aujourd’hui. C’est principalement pour cette raison que les pays ont décidé de faire appel au boycottage des JO 2022.

Et le Canada dans tout ça ?

Le Canada et la Chine sortent récemment d’une crise diplomatique qui a duré environ trois ans. En effet, le diplomate Michael Kovrig et l’homme d’affaires Michael Spavor étaient détenus en Chine depuis le 13 décembre 2018 pour des raisons obscures. Le Canada et d’autres pays qui s’étaient ralliés à cette cause considèrent cet événement comme des représailles face à l’arrestation à Vancouver de Meng Wanzhou, la fille du président de Huawei. La Chine a publiquement démenti ce lien de causalité entre ces arrestations. Cependant, la vitesse avec laquelle l’Empire du Milieu a relâché les deux Michael à la suite de la libération de Meng au Canada, soit le jour même du 24 septembre 2021, a prouvé aux yeux de plusieurs experts qu’il y avait effectivement un rapport entre ces deux affaires.

Par conséquent, le Canada a pris la décision le 8 décembre de boycotter les Jeux de 2022 de façon diplomatique et s’inscrit ainsi comme le quatrième pays à agir de la sorte. Le Premier Ministre du Canada, Justin Trudeau, a souligné l’importance « d’être en partenariat avec des alliés dans le monde quand on a une approche contre la Chine », tout en étant « profondément (troublé) par les violations des droits humains du gouvernement chinois. »

Une conséquence positive et palpable suite au boycottage des JO 2022 ?

Comme à tous les Jeux d’hiver, le Canada sera un concurrent redoutable : on peut penser à Mikaël Kingsbury en ski acrobatique ou encore à Kim Boutin en patinage de vitesse. Cependant, le boycottage de plusieurs pays pourrait nuire à l’aspect féerique de ces Jeux d’hiver. Il est important que ses homologues montrent leur désaccord. Théoriquement, cela pousse le pays hôte à une réflexion sur l’entretien de ses relations internationales. Mais du côté pratique, est-ce réellement ce qui se produira ? Le Canada a préféré faire un boycottage diplomatique afin de ne pas pénaliser ses athlètes. Puisqu’ils seront à Pékin malgré tout, y aura-t-il une conséquence positive ET palpable après cet événement en soutien aux Tibétains et aux Ouïghours ? En 1976, 22 nations africaines n’ont envoyé aucun athlète aux Jeux d’été à Montréal, indignées par la Nouvelle-Zélande qui avait participé à un tournoi de rugby en Afrique du Sud, où l’apartheid était encore en vigueur. Pourtant, cette prise de position n’a pas mis fin à ce régime ségrégationniste et il a fallu près de quinze ans pour que cette pratique soit abolie. Lors de l’annonce du boycottage des États-Unis, le porte-parole de l’ambassade de Chine aux États-Unis a écrit sur Twitter qu’ « en fait, personne ne se soucierait de savoir si ces personnes (représentant le pays) viennent ou non, et (que) cela n’a aucun impact sur le succès de #Pékin2022.  » Se pourrait-il qu’il y ait une part de vérité dans ce qu’il dit ?

La neutralité politique, le talon d’Achille du CIO

Un porte-parole du CIO a mentionné à l’AFP que « la présence de responsables gouvernementaux et de diplomates est une décision purement politique pour chaque gouvernement, que le CIO, dans sa neutralité politique, respecte pleinement. » Justement, sa neutralité politique est-elle une raison justifiable pour choisir comme ville hôte des endroits où les droits de l’Homme sont négligés ? Celle-ci empêche-t-elle le Comité olympique de faire des choix éclairés lorsque vient le temps d’entamer le processus de sélection des villes pouvant accueillir une si grande compétition ?

Décidément, oui. Il y a un gros pépin aux Jeux de Pékin, mais espérons que, malgré ce conflit politique, Kingsbury remontera sur le podium pour faire honneur au Canada !

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