Selon une étude menée en 2020 dans 11 écoles secondaires au Québec, 65 % des élèves vivraient avec l’anxiété de performance, dont 23 % à haut niveau. En ce mois de juin, période où les examens de fin d’année commencent, L’Exemplaire offre un survol sur ce trouble anxieux de plus en plus signalé dans les milieux scolaires.
L’abeille qui tourne autour de nous
Face à une situation d’évaluation ou de danger de tout genre, il est normal de se sentir sous pression. On a le cœur qui bat vite, les mains moites, l’envie de fuir et de se réfugier sur Mars… Tout cela est normal, même très positif. En effet, l’adrénaline venant de ce stress permet de donner son 110 % lors d’une épreuve. Généralement, le stress se fait sentir avant et pendant la situation que l’on affronte et une sensation de relâchement s’ensuit, après un examen de français, par exemple. Par contre, lorsqu’on souffre d’anxiété, qu’elle soit généralisée ou plus spécifique, on craint constamment ce danger, cette situation stressante de façon exagérée ou complètement irréelle. L’« analogie de l’abeille », soulevée par Mme Perreault, technicienne en éducation spécialisée (TES), aide à comprendre la différence entre le stress et l’anxiété. Dans le cas du stress, elle donne l’exemple suivant : « Tu fais un pique-nique avec tes amis, tu vas manger… Puis, il y a une abeille qui arrive. Tu vas être stressé parce que tu n’aimes pas ça, tu as peur qu’elle te pique, mais à partir du moment où l’abeille te quitte, tu vas être soulagé. Tandis que de l’anxiété, tu vas toujours avoir l’impression que l’abeille est à côté de toi, comme un sentiment de peur non-stop. »
Le tourbillon d’anxiété
Lorsqu’on parle d’anxiété de performance, on parle d’une forme d’anxiété, d’appréhension négative directement liée aux situations d’évaluations, de compétitions ou de toute autre circonstance où la performance est évaluée. La personne qui en souffre a peur d’échouer ses performances et d’être jugée en fonction de celles-ci. Cependant, ce trouble anxieux n’est pas reconnu par le DSM, le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques de l’Association américaine de Psychiatrie. En d’autres mots , c’est comme la bible des psychiatres, qui contient tous les troubles mentaux reconnus. Cela ne veut pas dire que l’anxiété de performance n’est pas un vrai problème.
En fait, le nombre de jeunes affectés par ce trouble anxieux est en augmentation. Il faut préciser que les filles semblent plus concernées par ce problème. Pourquoi ? Plusieurs hypothèses sont énoncées par madame Perreault : les différences cognitives entre les filles et les garçons, l’éducation et la pression sociale mises sur les filles, entre autres. Par contre, madame Fournier, également TES, tient à souligner qu’« il y a beaucoup de garçons anxieux, mais (qu’) ils ne vont pas nécessairement le dire. Ils n’iront pas chercher l’aide nécessaire. »
Dans les ateliers PASTEL, mis en place au Collège pour guider les élèves anxieux et animés par mesdames Julie Fournier et Martine Perreault, l’anxiété de performance en milieu scolaire est démontrée par la « chaîne explicative ». Tout commence par un déclencheur. Un examen de français qui compte pour 5 %, par exemple. L’arrivée de cet élément déclencheur entraîne un « tourbillon d’anxiété », un amalgame entre les pensées, les émotions et les réactions physiologiques de la personne anxieuse. On se dit « je n’y arriverai jamais », « je ne suis pas à la hauteur », on se sent incompétent et c’est fâchant, perturbant… ou tout ça en même temps. C’est une pente fatale dans la tête de l’élève : « si on échoue à notre examen, résume Mme Fournier, on va échouer notre matière, on va échouer notre année, on ne va pas devenir ce qu’on veut devenir… On va finir par faire la rue et notre vie sera finie parce qu’on aura échoué à un examen qui valait cinq pour cent. » De cela découlent alors des symptômes physiques : jambes molles, accélération du rythme cardiaque, maux de ventre… Puis le cerveau, en analysant tout cela, finit par croire que, oui, la situation est grave alors que ce n’est pas le cas. Par conséquent, on procrastine, on remet la période consacrée au travail ou l’on abandonne le projet. À l’opposé, il se peut aussi qu’un surinvestissement dans les travaux soit la conséquence finale de cette perte de contrôle. L’élève, s’il n’est pas fier de sa note, se dit alors qu’il devra plus étudier ou que c’est une raison supplémentaire pour procrastiner. Bref, ça ne mène à rien de bon.
À qui la faute ?
L’environnement dans lequel vit l’élève, que ce soit à l’école ou ailleurs, a un grand impact sur son taux d’anxiété de performance. Si l’on a un agenda surchargé ou désorganisé, on se sentira constamment sous pression, avec l’impression que l’on manque toujours de temps. Les amis aussi peuvent affecter notre rendement. On compare nos résultats avec ceux des autres élèves, on essaye de dépasser ses limites pour être le meilleur dans tout, d’être capable de conjuguer le verbe performer au plus-que-parfait.
De façon immédiate, les parents peuvent avoir des standards très élevés auprès de leurs enfants parce que les parents occupent eux-mêmes un poste important dans leur métier. De manière plus indirecte, un élève peut se sentir redevable auprès de ses parents pour les sacrifices qu’ils ont faits afin de lui offrir une meilleure éducation.
Il serait aussi possible de jeter la faute sur la société en général. L’Amérique du Nord suit un train de vie capitaliste, industriel et, surtout, très individualiste. On désire obtenir le plus haut poste au travail, la médaille d’or dans une compétition sportive, et ce, sans avoir à attribuer cette réussite à quelqu’un d’autre que soi, tant on est narcissique et imbu de soi-même.
Dans un cadre scolaire, c’est le système mis en place par le gouvernement ou la méthode d’enseignement de l’établissement qu’il faut pointer du doigt.
L’effet Regina
Le Collège Regina Assumpta est fondé sur une culture d’excellence et de performance très enracinée. Fondé par les sœurs de la Congrégation Notre-Dame, le Collège, assez conservateur, a gardé la rigueur et les valeurs qui viennent avec ce type d’enseignement. « On dirait que les murs parlent », ajoute Mme Perreault. C’est le cas, quand on y pense. Qui n’a jamais observé les bannières sportives sur les murs des gymnases ? Qui n’est jamais passé devant les étagères à trophées du premier étage ?
En plus de la pression ressentie par les élèves pour les performances sportives, celle pour les performances scolaires représente un gros morceau sur lequel Regina devra travailler. Selon Mme Aziagba, conseillère en orientation au Collège, il y a peut-être trop d’évaluations. « Je comprends que l’idée est d’éviter l’échec d’un élève, en faisant plusieurs mini-évaluations. Ça fait que si tu en échoues un, tu as la chance de te rattraper. Ça génère quand même du stress parce que tu dois toujours être à la hauteur. Tout le temps. » À son avis, même s’il est bien de ne pas mettre sur l’étudiant trop de pression d’un seul coup, il n’est pas mieux que celle-ci soit ramifiée et ressentie sur une base quotidienne.
En comparaison avec la chaîne explicative, il peut y avoir tant d’éléments déclencheurs en une semaine que le tourbillon d’anxiété se transforme plutôt en tsunami. Alors que le rôle de madame Aziagba est de guider les élèves dans leur choix de parcours scolaire ou de carrière, elle se retrouve parfois à gérer des élèves en crise de larmes dans son bureau, tant le poids des études est lourd et le rythme de travail, effréné. « On ne mesure strictement que ta performance. Si (l’école) est un lieu pour s’instruire généralement, pour socialiser […] il faudrait qu’il y ait une part de flexibilité (dans l’horaire), d’après moi. »
Cela viendrait de l’effet Regina, à son avis. Selon cette mentalité, tout ce qui est fait par l’élève aura des chances d’influencer son bulletin, puis son choix de cégep, finalement, son choix de carrière… Bref, l’atmosphère dans laquelle il vit fait qu’il imagine que son avenir est en jeu à chaque instant. Cela pose parfois problème lors de ses rencontres avec les étudiants, qui refusent d’être vus comme des personnes médiocres ou paresseuses si elles ne choisissent pas les « meilleures » options d’études disponibles, les plus exigeantes.
Sur la porte de bureau de la conseillère en orientation, on peut voir un tableau sur lequel il est écrit « La porte des possibilités ». Pourquoi ? « Je veux que les élèves voient qu’il y a des possibilités. Je ne m’attends pas à ce que tu aies un choix de carrière figé. Je m’attends à ce que tu vois que si, aujourd’hui, tu fais un choix que tu aimes […] et que demain, ça ne fonctionne pas, n’aie pas de regrets : il y a d’autres possibilités. »
Faire tourner le bateau de croisière
L’excellence, la performance et la rigueur font partie de l’ADN du Collège et de celui des élèves. En effet, les élèves qui ont les moyennes les plus élevées dans telle ou telle matière se verront décerner des méritas au cours de l’année. Dorénavant, on récompense aussi les élèves pour leur persévérance ou pour leur conduite exemplaire pour ne nommer que ces nouvelles catégories.
D’ailleurs, avec l’arrivée de Mme Duchesne à la direction générale au mois de janvier, le Collège cherche à se tourner vers la bienveillance. Optimiste par le vent de changements qui suivra, Mme Perreault reste tout de même réaliste :
« On ne peut pas changer la direction d’un bateau de croisière très rapidement, balance-t-elle. Ça va prendre du temps, on va y aller tranquillement. »
Ralentir la roue du petit hamster
Aux ateliers PASTEL, l’objectif est de pousser les élèves à comprendre et à analyser leur situation dans le but de trouver des solutions adéquates pour réduire leur taux d’anxiété. Parce que l’anxiété, ça ne part pas du jour au lendemain : cela prend du temps et l’anxiété de performance peut rester pour toujours. La restructuration des pensées aide à voir la situation d’un point de vue plus objectif. Se poser les questions « Ai-je du pouvoir sur mon déclencheur ? » ou « Est-ce que ce que je pense est réaliste ? » Les deux techniciennes en éducation spécialisée proposent plusieurs pistes pour gérer son anxiété. Différentes techniques de relaxation, comme la méditation ou la respiration profonde, réduisent le rythme cardiaque et permettent de se détendre lors d’une crise de panique. Le sport et les arts sont aussi une bonne idée pour réduire son taux d’anxiété. En fait, du moment que c’est distrayant, toute activité pour se calmer est bonne. L’important, c’est de ralentir la roue du petit hamster qu’il y a dans la tête des étudiants.
Par-dessus tout, les TES soulignent le pouvoir d’une bonne organisation. Le contenu des ateliers PASTEL énumère les clés à une organisation efficace en vue d’un examen, soit la préparation à l’étude, le lieu d’étude et le temps d’étude. Lors de ces périodes d’étude, la méthode Pomodoro est recommandée. Pour 25 minutes de travail, il faut prendre 5 minutes de pause. Ça, c’est un cycle. Après 3 cycles de Pomodoro, il faut prendre une pause de 30 minutes. C’est simple, oui, mais ça permet au cerveau de ne pas être surchargé d’informations pour ensuite en retenir que les plus banales.
Pour mieux comprendre l’anxiété de performance, on recommande également de visionner le documentaire La barre haute, sur Ici Tou.tv, un documentaire créé en parallèle du film de Louis Morissette, Le Guide de la Famille Parfaite.
Le plus gros devoir d’un élève est d’apprendre. Apprendre signifie grandir, faire des erreurs, se relever malgré les douleurs. Apprendre, non pas pour atteindre la perfection, mais la plénitude d’un être équilibré qui connaît, rayonne et aime. En attendant la vie d’adulte, le futur, et au lieu d’aspirer à vivre au plus-que-parfait, il faudrait vivre le moment présent. Même si, parfois, on est imparfait, il faudrait s’aimer plus que son bulletin.
*Pour toute autre question ou commentaire, consultez Mme Fournier (TES du 1er cycle) ou Mme Perreault (TES du 2e cycle).
Salut !
J’espère vraiment que L’Exemplaire vous aidera à rester informé de ce qui se passe autour de vous parce que la planète tourne plus vite qu’on pense !
Alexandra 🙂
Bravo ma talentueuse Alexandra. C’est toujours un plaisir de te lire. Excellent article.