ChatGPT, doit-on l’utiliser?

ChatGPT suscite un engouement total. Lancé à la fin du mois de novembre dernier, ce logiciel a battu de nombreux records d’utilisation. Cependant, son onde de choc se fait également ressentir dans le milieu scolaire et est à l’origine d’une réflexion importante partout dans le monde : devrait-on restreindre l’utilisation de ChatGPT dans les écoles?

Qu’est-ce que ChatGPT ?

Le logiciel ChatGPT est un agent conversationnel (chatbot en anglais), créé par le laboratoire californien d’intelligence artificielle OpenAI, qui est également à l’origine du puissant générateur d’images DALL-E 2. Accessible au public depuis le 30 novembre 2022, ChatGPT a été entraîné par des humains à entretenir une conversation avec une personne et peut « répondre à des questions, reconnaître ses erreurs et rejeter les demandes inappropriées » si l’on se fie à la description qu’en fait OpenAI. La fascination du public à l’égard de cette plateforme l’a propulsée à de nouveaux sommets à une vitesse fulgurante. En effet, ChatGPT a atteint 100 millions d’utilisateurs en deux mois, contrairement au réseau social Instagram, auquel il a fallu une trentaine de mois pour atteindre cet objectif.

Malgré les nombreux éloges faits à l’égard de ce logiciel d’intelligence artificielle (IA), il se glisse parfois des erreurs dans les réponses données par ChatGPT. Par exemple, lorsqu’on lui a demandé de résumer le roman Lorsque j’étais une œuvre d’art d’Eric-Emmanuel Schmitt, la réponse obtenue n’avait rien à voir avec la question posée. Mauvaise histoire, mauvais personnages, mauvais contexte… Bref, même après plusieurs essais, le résultat n’a pas été satisfaisant. Cependant, il n’y a pas que du mauvais… même dans un cadre scolaire.

Un nouvel allié ?

ChatGPT peut être un outil pédagogique intéressant. Très efficace pour vulgariser la matière, on lui a demandé d’expliquer la différence entre les liaisons ioniques et covalentes (notion apprise par les élèves en secondaire 4) et le logiciel s’en est bien tiré, en fournissant également des exemples. Un groupe d’élèves a affirmé recourir à ChatGPT régulièrement, entre autres pour la vitesse de ses réponses. Il est plus facile pour eux de poser une question à ChatGPT et d’en recevoir la réponse en seulement quelques secondes que d’effectuer de longues recherches sur Google. Qu’il soit utilisé pour remédier à leur incompréhension ou pour faire des travaux d’école, ChatGPT est désormais un grand allié des élèves, un nouvel ami. Français, ECR, histoire… toutes les matières sont nommées lorsqu’on demande aux élèves la matière pour laquelle ils se servent du logiciel le plus souvent.

Pour le corps enseignant, ChatGPT peut être avantageux afin d’alléger leur charge de travail, en créant des grilles d’évaluation ou encore la planification de leurs prochains cours. D’autres enseignants utilisent cette IA afin de composer les questions de discussion qu’ils poseront à leurs élèves. À l’exception d’accomplir quelques tâches de routine, le logiciel ne semble pas toujours aussi profitable aux enseignants qu’il ne l’est aux élèves. Monsieur Antoun, professeur de français à Regina Assumpta, n’en voit tout simplement pas la pertinence dans le cadre de son travail : « Le prof, s’il est devenu prof, c’est parce que sa matière l’intéressait. Donc, il a fait des études là-dedans avec des profs d’université, des chargés de cours qui sont eux-mêmes spécialisés dans le domaine. Le professeur a reçu une formation qui lui permet d’exploiter son esprit critique». Par conséquent, il ne trouve pas l’intérêt de ChatGPT si c’est pour lui poser des questions auxquelles il devrait être en mesure de répondre, mais reconnaît que cela peut apporter de l’aide aux élèves. Lors d’une entrevue accordée à La Presse, Annie Dumay, conseillère pédagogique en technologie au Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM), a plutôt soutenu que « quand les enseignants vont voir le gain de temps, la richesse des activités qu’ils vont pouvoir proposer, ils vont être enthousiastes. Mais pour ça, il faut l’utiliser, et apprendre à lui parler. » Qui plus est, le CSSDM a décidé de ne pas bannir l’usage de ChatGPT dans ses écoles.

Le revers de la médaille

Tout comme il y a deux côtés à une médaille, il y a aussi des risques et des désavantages à se servir du chatbot et ce, autant pour les élèves que pour les enseignants.

Une élève qui préfère demeurer anonyme craint surtout le piège tendu lorsqu’un élève s’aide de ChatGPT pour compléter ses travaux : « Il faut que j’aie fait mes propres réflexions avant d’utiliser ChatGPT. » Selon elle, un élève qui utilise instinctivement le logiciel pour faire ses devoirs nuit à son apprentissage parce qu’il ne développe pas son esprit critique. Elle n’est pas la seule à penser ainsi : plusieurs croient que les élèves rendront des travaux avec des erreurs logiques, historiques ou autres parce que, faisant aveuglément confiance à l’IA, ils ne s’assureront pas de la véracité des éléments de réponse, le logiciel lui-même n’ayant pas toujours le meilleur jugement. Oui, il arrive que les réponses de ChatGPT présentent divers stéréotypes. La raison en est assez simple : le logiciel recueille l’information qu’il trouve sur Internet, un peu comme Wikipédia, puis la condense pour être le plus concis possible. Lors de cette collecte d’informations, si la plupart des sources consultées ont des partis pris, il est normal qu’il en soit de même pour ChatGPT.

Du côté des enseignants, l’une des grandes préoccupations est la gestion des cas de plagiat. Il sera de plus en plus difficile de détecter et, surtout, de prouver un cas de tricherie par des preuves tangibles. ChatGPT génère des réponses différentes chaque fois qu’on lui pose une question, réduisant donc les chances que l’enseignant trouve les sources de la réponse copiée. Il est vrai qu’on peut facilement identifier la différence entre le travail d’habitude bourré de fautes et le texte soudainement parfait d’un élève, mais il ne faut pas sous-estimer cette IA, capable d’insérer d’en dans un texte si on le lui demande. Les professeurs et experts de tous les horizons s’entendent sur le fait qu’il faudra resserrer les vis dans le milieu scolaire. De plus, d’autres craignent que l’usage de ChatGPT en milieu scolaire affecte les échanges humains entre les professeurs et leurs élèves, nous ramenant dans un mode de vie virtuelle semblable à celui lors du confinement en mars 2020.

Qu’en pense la direction du Collège Regina Assumpta ?

Le règlement stipule qu’« il est interdit de s’approprier ou de faire passer pour sien, au complet ou en partie, le travail d’une personne (élève, auteur, Internet)». Cependant, en l’occurrence, considère-t-on ChatGPT, et l’intelligence artificielle en général, comme une personne ? C’est l’une des questions qui a été posées dans un courriel envoyé aux services pédagogiques. Monsieur Mario Tremblay, directeur adjoint des services pédagogiques, a déclaré que « d’entrée de jeu, (on) ne (pourra) malheureusement pas répondre […]. Actuellement, nous entamons une réflexion avec les enseignants à ce sujet. Nous n’en sommes qu’au début de cette réflexion. » Par contre, les élèves auxquels nous nous sommes adressé, eux, n’ont pas tourné leur langue sept fois avant de répondre lorsqu’on leur a demandé ce qu’ils feraient si l’établissement interdisait le logiciel : « Il n’y a pas juste ChatGPT. On trouvera un autre moyen».

Qu’est-ce que ça va changer ?

Beaucoup de choses. Ou pas tant, finalement. Il va bien falloir s’adapter à la réalité que l’IA impose au milieu éducatif, mais il y a eu la même vague de panique à l’arrivée de Google… et on y a survécu. Évidemment, on sera contraint de revoir certaines normes et activités dans les écoles pour s’assurer que cette nouvelle technologie n’est pas utilisée à outrance. Le nombre de tâches à compléter à la maison diminuera sûrement au profit de travaux faits en classe, mais encore faudra-t-il que les enseignants ajustent leur plan de cours en conséquence. Tous, élèves et professeurs, devront apprendre à utiliser la technologie avec discernement, car ChatGPT n’est rien comparé à ce qui pourrait être inventé dans les prochaines années.

D’ailleurs, c’est l’une des raisons pour lesquelles de grands noms de l’IA, dont Yoshua Bengio et Elon Musk, se sont regroupés, demandant un moratoire sur le développement de l’IA. Autrement dit, les 1100 signataires impliqués réclament une interruption de six mois pour évaluer les enjeux qui sont liés à cette technologie, tels que mentionné dans leur lettre ouverte.

Tout compte fait, au lieu de se demander s’il faut se servir ou non de ChatGPT, il faudrait plutôt se demander comment s’en servir…

« La question n’est pas pour ou contre ChatGPT. […] ChatGPT est là pour rester. Donc, comment on va s’en accommoder, c’est plus ça, la vraie question. »

– Monsieur Antoun, professeur de français

Une réflexion sur “ChatGPT, doit-on l’utiliser?

  1. Merci beaucoup Alexandra, ça m’a beaucoup aider à rédiger mon cahier de débat d’ECR. (En plus c’est très bien fait 👍)

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