Les caribous de Charlevoix, voués à disparaître ?

Cet hiver, les derniers caribous de la région de Charlevoix ont été mis en enclos de façon permanente à la suite de l’annonce en novembre 2021 du ministère des Forêts, Faunes et Parcs du Québec. Cette intervention a pour but de protéger ce petit groupe de l’extinction, mais les empêchera-t-elle vraiment de disparaître? Le gouvernement annonce aussi la création d’une commission qui recueillera des informations sur le projet, mais qui selon certains experts, est inutile.

Source : https://www.journaldequebec.com/2022/01/19/les-caribous-de-charlevoix-et-de-la-gaspesie-en-captivite-des-cet-hiver

La dernière harde de Charlevoix

Comme leurs homologues de Val-d’or, les caribous forestiers du Parc national des Grands Jardins dans la région de Charlevoix ont été placés en enclos. Ce groupe est actuellement dans un parc clôturé de 20 hectares (0,2 km carré). Après avoir été réintroduit dans la nature dans les années 1970, ce troupeau a atteint un nombre record de têtes, soit 126 en 1992. Depuis, la quantité de caribous dans la région de Charlevoix est en chute libre. Elle est passée de 56 individus en 2016 à 19 lors du recensement de 2020, puis en 2021, seules 16 bêtes ont été dénombrées. Pour ce qui est des caribous de la Gaspésie, des enclos de mises bas vont être mis en place en 2023. Les sept derniers survivants de Val-d’Or quant à eux sont en captivité depuis 2020 et durant les deux ans, seulement un seul petit est né.

Le faon et sa mère près d’une mangeoire dans l’enclos de Val-d’Or. Source : https://adikcaribouvd.ca/actualite/

Les causes du déclin

Comme le souligne Pier-Olivier Boudreault, biologiste et directeur de la conservation pour SNAP Québec (Société pour la Nature et les Parcs du Canada section Québec), les raisons de la diminution du nombre de caribous sont principalement liées à l’industrie forestière et à la prédation. En effet, la coupe de bois dans leur habitat rajeunit les forêts, ce qui menace le caribous dont la majeure partie de l’alimentation est basée sur le lichen présent principalement dans les forêts matures. Aussi, l’industrie forestière crée des chemins (plus de 400 000 km au Québec) facilitant ainsi l’arrivée des prédateurs comme le loup et l’ours dans le territoire et rendant, par le fait même, le caribou plus vulnérable. La population de Charlevoix est aussi à risque de disparaître en raison de leur isolement des autres caribous et du manque de protection.

Source : https://cimtchau.ca/nouvelles/caribous-forestiers-en-peril-des-loups-seront-abattus-dans-charlevoix/

Les mesures de sauvegarde prises par Québec

Afin de contrer le dangereux déclin du caribou forestier de Charlevoix, le ministre des forêts, faunes et parcs du Québec, M. Dufour, a mis en place la construction d’un enclos de 200 mètres carrés muni de clôtures électrifiées dans le but d’empêcher les bêtes de se faire attaquer. Il pourrait être utile , signale Mr Boudreault, que  le gouvernement mette en place des mesures de protection de l’habitat du caribou en plus de ces enclos, ce qu’il ne fait pas. Le gouvernement a aussi créé une commission dans le but de recueillir des informations à propos de ces cervidés et de faire des tables de discussion avec les communautés des Premières Nations, les municipalités ainsi que les habitants des régions environnantes. Le problème avec cette commission, c’est le fait que ces informations et ces tables de réflexion ont déjà été faites. Par ailleurs, cette commission ne comporte ni biologistes ni expert(e)s en caribous (qui sont nombreux.ses dans la province). Le biologiste et directeur de la conservation chez SNAP Québec ajoute aussi que toutes ces dispositions sont, en partie, des tentatives pour repousser encore le moment de protéger sérieusement les derniers caribous de la belle province. Le gouvernement fédéral a aussi lancé un ultimatum au gouvernement Legault concernant la sauvegarde de tous les caribous du Québec.

Source : https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1855519/enclos-caribou-charlevoix-abitibi-gaspesie

Que faut-il alors faire pour les protéger?

Selon Mr Boudreault, il faudrait, avant tout, créer des aires protégées et fermer les chemins forestiers. L’abattage des prédateurs comme le loup et l’ours noir a déjà été éfectué, mais n’est pas vraiment une option sur le long terme, car les loups d’autres régions reviennent peu de temps après. Cet expert mentionne aussi que la réintroduction d’individus déjà captifs au même titre que dans les années 70 serait bénéfique et même souhaitable. En effet, cela éviterait un trop haut niveau de consanguinité, mais pour que ce projet soit faisable, il faudrait d’abord s’assurer de protéger leur habitat naturel.

Tout bien considéré, la demande de la mise en enclos des caribous de Charlevoix a finalement été officialisée cet hiver. La création d’une commission et d’enclos destinés à protéger cette dernière harde de l’extinction ne seraient pas la priorité du gouvernement de la CAQ et seraient plutôt une autre tentative pour repousser la protection de l’habitat de ces cervidés, selon les experts. L’ultimatum lancé par Steven Guilbeault, le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement Climatique, va peut être changer la donne. Entre aire protégée et industrie forestière, l’équilibre est-il possible?

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